vendredi 4 mars 2011

5. Proposition pour la mise en place d’un programme de lutte contre le risque requin sur une portion de plage de la baie de St- Paul.

5.1. Plan général du projet

Il est recommandé l’introduction à La Réunion d’un programme de pêche à la drum-line bien structuré et scientifiquement suivi. La pêche à la drum-line est écologiquement plus acceptable et durable que celle aux filets, plus rentable économiquement et, d’après l’expérience sud-africaine basé sur des séries de données considérables, prouvée être aussi efficace que les filets.
Un programme de drum line fournit un certain nombre d’opportunités pour rechercher et
améliorer la rencontre de requins. Les facteurs favorables à sa mise en place sont :
- une grande efficacité à détecter et capturer les grands requins résidents qui sont les plus dangereux pour les hommes
- une sélectivité envers les grands prédateurs, afin que le niveau des captures accessoires d’animaux inoffensifs comme les requins plus petits, les dauphins et les tortues soit virtuellement ramené à zéro ( une mise en oeuvre facile, un faible coût et la possibilité d’arrangements contractuels pour le suivi opérationnel par les pêcheurs locaux.

5.2. Objectifs et questions clés

Afin de bien préparer un programme de drum line, il est nécessaire de répondre aux objectifs suivants (VAN DER ELST, 1997) :
- Protéger efficacement une portion de plage pour la baignade contre le risque requin, afin d’inciter la population et les touristes à fréquenter le site
- extraction rapide du milieu des grands requins résidents, appelés « grands requins solitaires »
- quelles sont les principales espèces rencontrées à La Réunion ?
- quelle est l’abondance relative de ces espèces, saisonnière et régionale ?
- quelle est la composition en taille de ces espèces ?
- que représentent les taux de captures à la drum-line comparativement aux autres pays utilisant ce système ?
- Y a t’il des caractéristiques locales ou des indications de stocks locaux ?

5.3. Evaluation du risque

-La présence de nombreux requins et les attaques fatales des années précédentes non loin de la
zone choisie laisse supposer un risque important et bien réel d’attaques de requins

- Une mauvaise gestion du risque requin peut d’être catastrophique pour la sécurité et
l’attraction des touristes sur la zone.

5.4. Gestion du risque économique et social

La peur du requin et les 2 attaques des années précédentes à proximité du secteur désigné sont des facteurs essentiels à ne pas négliger. La viabilité touristique et économique du projet dépendra fortement de la mise en place de méthodes garantissant un faible risque d’attaques de requins, mais aussi en limitant le risque de dégradation de l’environnement par captures accessoires.

 5.4.1. Gestion du risque requin

- Etablir un programme de prévention et de sensibilisation au risque requin. Aucune garantie ne doit être émise sur le risque d’attaque
- Aménager le haut de la plage, afin de limiter les accès à la mer

5.4.2. Gestion des populations de requins.

- Mettre en place des méthodes adaptées : drum line, (filet ?)
- Diminuer fortement les populations résidentes
- Limiter l’intrusion des populations prédatrices du large

a) Les barrières
Les coûts élevés de la pose et de l’entretien ne sont pas adaptés à ce projet

b) La capture
Cette méthode est la seule adaptée à ce projet. Elle permet de rassurer le public et de diminuer significativement le risque requin.

- Les filets :
Cette technique qui a donné de bons résultats dans plusieurs pays pourraient être utilisés en complément de la Drum line, afin d’augmenter les captures de requins mais suppose de fortes contraintes d’entretien et de sélectivité.

- La drum Line :
Cette technique est la mieux adaptée au projet. La pose et l’entretien sont simples et relativement peu onéreux. Elle capture uniquement les requins. Les sud-africains travaillent actuellement sur la sélectivité de cet engin, afin que seul les gros individus « solitaires », responsable de la plus part des attaques le long des côtes, puissent être capturés.

c) Les autres méthodes :

Les autres méthodes existantes ont soit été abandonnées fautes de résultats, soit ne sont pas encore adaptées à ce type de projet. Des études sont actuellement menées sur les POD en RSA, afin de les fiabiliser et de les adapter aux différents utilisateurs de la mer.

5.5. Que savons nous sur les espèces présentes dans les eaux réunionnaises.

Bien que des programmes ont été menés à la Réunion sur l’identification des différentes espèces de requins fréquentant nos eaux , il est essentiel qu’une étude soit menées sur la baie de St-Paul afin de mieux connaître les différentes espèces présentes, leur moeurs et leur biologie.
Ceci permettra de distinguer les populations prédatrices des populations résidentes et de définir la stratégie de lutte à employer contre le risque requin sur la zone de baignade. Certaines espèces peuvent déjà être citées pour avoir été impliquées ou soupçonnées de l’être dans des accidents à La Réunion et notamment dans la baie de St-Paul (d’après la thèse de Géry Van Grévelynghe) :

Le requin Bouledogue (Carcharhinus leucas)
Le requin Tigre (Galeocerdo cuvier)
Le requin gris des récifs ou dagsit (Carcharhinus amblyrhynchos)
Le requin blanc (Carcharodon carcharias) (jamais formellement identifier à La Réunion)
Le requin pointe blanche du récif (Carcharhinus albimarginatus).
D’autres espèces potentiellement dangereuses pour l’homme ont été répertoriées à La Réunion :
Le requin océanique (Carcharhinus longimanus)
Le requin mako (Isurus oxyrhynchus)
Le requin marteau halicorne (Sphyrna lewini)
Le requin marteau commun (Sphyrna zygaena) (rare)
Le grand requin marteau (Sphyrna mokarran) (rare)
Le requin citron (Negaprion acutidens) (très rare).


Une étude devrait donc être menée préalablement afin d’identifier les espèces présentes dans la baie de St-Paul, la menace qu’elles représentent pour les baigneurs, leur présence et leurs moeurs au cours des saisons (populations prédatrices, résidentes, alimentation, reproduction, ...).
Un programme de marquage et de tracking par balises radio permettrait d’apporter des éléments
essentiels à la connaissances des migrations et de l’activité des différentes espèces près des côtes de La Réunion.
L’étude portera sur les requins pêchés par les pêcheurs locaux et surtout par l’utilisation de la drum line (cette technique pourra être ainsi testée et adaptée si besoin aux conditions du milieu).

5.6. Evaluation de l’impact

L’impact d’installations telles que la drum line ou de filets aura pour conséquence de fortement diminuer durant les 2 ou 3 premières années les populations résidentes de requins et de capturer une forte proportion des requins venant du large (population prédatrice) qu’elles soient dangereuses ou non pour l’homme, limitant le risque d’attaques.
Tous les requins capturés devront faire l’objet d’une étude particulière sur leur biologie et leurs moeurs, afin d’affiner nos connaissances, de pouvoir comparer nos résultats avec d’autres études menées dans le monde, dans le but d’optimiser nos moyens de prévention contre les attaques de requins.

5.7. Captures accessoires

Deux cas peuvent se présenter selon le type d’engin utilisé.
- L’utilisation du filet maillant disposé en quinconce au large d’une plage représente un piège efficace pour les requins mais aussi pour bon nombre d’animaux et de mammifères marins (poissons, raies, tortues marines, petits cétacés, oiseaux, ...). D’ailleurs de plus en plus d’écologistes militent pour l’interdiction de telles méthodes non sélectives.
- La drum line est le type d’engin le plus sélectif pour la capture des requins. Son efficacité est au moins équivalente au filet maillant et il ne capture que des requins. Toutefois, la drum line capture également des espèces de requins inoffensives pour l’homme. Il sera essentiel d’améliorer la sélectivité de cet engin, afin de limiter les captures de requins inoffensifs.
Il n’existe pas à l’heure actuelle de méthodes efficaces et/ou peu onéreuses permettant
d’éloigner les squales sans les capturer.

5.8. Mise en application

 5.8.1. Matériels et méthodes

  5.8.1.1.Matériels

L’équipement nécessaire à un programme de pêche à la drum line se procure et se construit facilement (voir description p9). C’est un engin composé d’hameçon appâté. Il est suspendu à une structure flottante (tonneaux, drum en anglais) à une extrémité et à une ancre à l’autre extrémité. Il est suggéré que le système mis en place soit similaire à celui utilisé en Afrique du Sud, afin que les données récoltées soient directement comparables. Comme les drum lines ont besoin d’un entretien régulier et comme il se pourrait qu’il y ait une perte relativement élevée de matériel en mer, il est indispensable de disposer d’un stock adéquat de drum line.

5.8.1.2.Méthodes

Les principaux éléments de la méthodes utilisée sont ici présentés :

1. Il est suggéré que ce programme soit développé en 2 phases :
- La première est une phase préliminaire pour améliorer la connaissance et la technologie locale, ainsi qu’établir la fréquence et les paramètres des captures observées, afin de mettre en place une stratégie de déploiement plus robuste statistiquement. Cette phase ne devrait pas durer plus de 3 mois et il est suggéré la mise en place de deux séries de 3 drum-lines en baie de Saint-Paul. Il serait également très intéressant de placer des structures identiques dans le sud de l’île (par exemple à St-Pierre), afin de pouvoir comparer les résultats.
- La deuxième phase pourrait impliquer plus de drum-lines avec un déploiement plus vaste, afin d’introduire de la variabilité dans les données. Cependant, il est important de laisser une série de drum-lines dans le même endroit pendant une longue période, afin de déterminer les caractéristiques locales.

2. Toutes les données concernant la mise en place et le déploiement de chaque série de drum lines doivent être scientifiquement documentées sur des feuilles de saisie prescrites. Y seront inclus des paramètres environnementaux marins et terrestres, ainsi que le temps de mise à l’eau et les autres paramètres halieutiques. Ces données devront être saisies au sein d’une base de données dès le début du programme.

3. L’appât utilisé devra être consistant et choisi convenablement. Les appâts devront être disposés sur les hameçons. Les mulets (Mugilidae) ont été reconnus comme un appât efficace et durable, mais d’autres peuvent être essayés. Des poissons avec des écailles dures seront préférés. Cependant, une attention particulière devra être prise afin que l’appât ne soit trop attractif ou appétant. Ainsi, il ne doit pas être versées de grandes quantités d’aliments, (sang...)dans l’eau. Alors que les taux de captures en seraient ainsi vraisemblablement augmentés, cela attirerait invariablement les requins dans la zone.

4. L’inspection des drum lines devra être régulièrement faite, au moins une fois par jour, et de préférence à des heures du jour régulières. Les drum lines devront être retirées de l’eau et remplacées régulièrement, afin d’assurer les réparations et la maintenance et de minimiser les pertes.

5. Les requins capturés devront être ramenés à la côte, même si le pêcheur est persuadé de l’identification de l’espèce capturée. L’expérience a montré que ces animaux sont souvent mal identifiés en mer. De cette manière aussi, d’autres données biologiques pourront être collectées, et un suivi de population halieutique pourra être correctement mis en place à La Réunion. Si des animaux sont relâchés (comme des requins inoffensifs capturés vivants pendant les étapes ultérieures du programme), ils devront être marqués. Ces marques pourront être fournies par l’ORI si nécessaire. Un programme de marquage et de suivi par balise radio pourrait être mis en oeuvre pour déterminer les caractéristiques des populations résidentes locales et leurs relations avec les populations du large.

6. Alors qu’une campagne médiatique aiderait à prévenir les gens de ne pas s’approcher des drum lines, il pourra aussi attirer l’attention. Ceci est à considérer localement.

 5.9. Durée

La durée précise d’un programme de drum line ne peut être déterminée précisément tant que les espèces et leurs abondances ne sont pas connues dans les premiers mois de l’opération.
Les étapes suivantes sont proposées :

Phase 1 :
Développement préliminaire, familiarisation et données primaires, d’une durée d’environ 3 mois.
A suivre de la venue de consultants et de groupes de travail.

Phase 2 :
Suivi scientifique des drum lines pendant 2 ans et traitement des données

Phase 3 :
Prise en considération d’un programme de drum-line sur le long terme, au vue des données récoltées. Il devra être noté qu’un programme de drum-line pourrait être envisagé de manière indéfinie si les résultats scientifiques confirme qu’il peut diminuer le risque requin et être écologiquement durable.

 5.10. Besoins humains :

Les moyens humains et matériels de base pour les infrastructures de ce type de programme sont modestes, spécialement en comparaison à ceux demandés par les programmes de pêche aux filets.
Il est proposé que la construction et l’entretien des drum-lines soient pris en charge par un opérateur local pertinent. IFREMER superviserait le suivi scientifique et assurerait l’approche statistique et la divulgation des résultats scientifiques. Un groupe de travail d’experts serait établi, incluant des spécialistes du domaine (IFREMER, ORI en RSA, ...), mais aussi la Préfecture (CLOE), la DIREN, la Région, le Département, qui seront chargés d’accompagnés scientifiquement, techniquement et politiquement ces travaux.

  5.11.1. Coût d’une drum-line

N.B. : La construction artisanale d’ancres, localement, permettrait de réduire considérablement le coût de
construction d’une drum line. Le prix d’une ancre à l’achat représente dans le cas présent entre 40 et 75% du
prix total d’une drum line, selon le modèle. La construction artisanale permettrait de réduire de moitié le prix
d’une ancre.



  5.11.2.Evaluation du coût d’une opération sur 3 mois

Ce budget correspond à la mise en place de la phase I.


5.12. Conclusion

Il est recommandé que la proposition ci-dessus soit mise en place le plus rapidement possible, afin que des aménagements ultérieurs pour la réduction du risque puissent être proposés dans un temps le plus court possible.

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